Cèpes des pins
En 1993, j’étais dans les Cévennes à la recherche du prince des forêts. Je le soupçonnais sur ces terres acides aux pieds des arbres. Mais je ne l’apercevais jamais. Sous les pluies d’automne dans l’humidité et le froid, j’ai arpenté en vain les massifs d’épicéas, de châtaigniers et de hêtres.
Je me suis pris d’affection pour ces montagnes Cévenoles qui devenaient mon terrain de jeu. Au début du mois de septembre 1996, du côté du Col de la Loubière, par un jour de beau temps, dans une forêt de pins, le silence semblait me surveiller.
Une odeur de champignon circulait dans l’air. Les rayons de soleil guidèrent mon regard, là au pied d’un épicéa, une sculpture nature, un cèpe énorme d’une splendeur sans nom. Mon corps s’est mis à trembler, j’étais transporté, il n’y avait plus rien au monde à part lui et moi. Allongé à plat ventre, je rampais jusqu’à Boletus pinicola Vitt. Il avait perforé un tapis d’aiguilles de pin. Le dessus de son chapeau était recouvert d’un brun succulent, le dessous en tubulures était d’un blanc éclatant, son puissant pied en érection tendu vers la lumière m'invitait à la cueillette. Je n’avais pas d’appareil photographique. Alors, j’ai trempé mon regard dans cette atmosphère pendant de longues minutes. J'essayais d'imprégner ma mémoire de cet instant envoûtant. J’étais loin de soupçonner qu’un champignon pouvait susciter en moi autant d’émotion. Le pouvoir de dame nature plongeait ses racines dans mon esprit.
Ces heures féériques furent accompagnées d’une récolte miraculeuse, des cèpes durs et charnus, sans le moindre ver. Toutes les formes étaient en présence, du bien gros au petit bouchon de champagne. Les images se succédaient les unes aux autres. Le temps n’existait plus. Jusqu’à la nuit tombée, j'ai erré dans les bois. Je reprenais mon esprit en retrouvant mon auto. Une sensation étrange m’envahit. Assis au volant, j’ai jeté un coup d’œil autour de moi. N'apercevant pas la moindre trace de Cèpe, je me suis précipité vers le coffre de mon véhicule... quand j’ai ouvert, ils étaient là, attendant la fin du voyage.
Ce rêve inoubliable était bien une journée à laquelle je songe encore de temps en temps. Depuis, quand je peux, je parcours les forêts des Cévennes à la recherche du Prince des forêts.
Parc national des Cévennes 6 bis, place du Palais - 48400 Florac
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Texte et photographies Rv Dols : photojournaliste@oeilpaca.fr
