La pensée de l'art brut
Julien vit dans le Vaucluse. D'origine arlésienne, les vestiges de l'Empire Romain ont eu une aura particulière dans la construction mentale de l'artiste. Les voyages et les rencontres génèrent en lui l'envie de se réaliser. En 2001, l'explosion des deux tours et le décès d'un proche déclenchent dans son esprit la nécessité de parler autrement. Alors, ses mains répandent le langage qui le caractérise.

Il s’imprègne de tout ce qu'il vit
De ses itinéraires, il extrait l’ingénieux recyclage dont font preuve les Sénégalais. Au Maroc, le martelage du cuivre ou du laiton évoque en lui son passé de musicien.
Les événements tragiques, engendrés par les civilisations, bouleversent Julien. Il extirpe l'amoncellement d'informations qui le submerge, ses figurations restituent aux regards des autres l'émotion brute d'une réalité tortueuse.
Barils et bidons
Julien incorpore une multitude de symboles dans ses productions ; la récupération de bidons ayant acheminé le sang des entrailles de la Terre jusqu'à notre société de consommation n'est pas un hasard.
Le physique de l'artiste est mis à rude épreuve. Un combat avec la tôle prend place. Des coups de marteau sont assénés. Un corps à corps qui tord et fait plier la matière.
Première installation : les 12 Chinois
En 2008, Julien sculpte un Chinois par mois ; petit homme trapu au corps jaune et à la tête rouge. Une installation composée de douze statuettes qui accentuent la perception de profusion. Peut-être veut-il attirer notre attention sur la répression de la Chine au Tibet et l'autocratie d'un pouvoir imposant la pensée unique. Pourtant, chaque pièce est singulière, l'allégorie de l'émergence d'un peuple. Chacun peut entrevoir sa propre imagination dans ces œuvres. Le succès oblige Julien à réaliser des séries en Bronze. (Une série comprend douze reproductions numérotées de 1 à 12 pour une seule pièce).
Le Bronze
Cet alliage fascine Julien depuis son enfance. L'intervention du cuivre et de l'étain permet d'exposer en plusieurs lieux et de conserver l'original. Pour un sculpteur, c'est souvent l'ultime étape vers l’immortalité.
Les années faisant, le travail de Julien évolue. Il s’efforce d'aller à l’essentiel, épurer, estomper les éléments de représentation, tout en gardant l'indispensable.
Dans les sculptures « Latitudes » ou « Vague à l'âme », on distingue une embarcation rudimentaire qui évoque les drames de l'immigration et les tragédies de Lampedusa.
Une disqueuse dans la tête et un chalumeau à la main, Julien délivre l'occident des archétypes, la liberté semble être le seul compromis qu'il accepte.
www.julienallegre.com
Propos recueillis par Rv Dols : photojournaliste@oeilpaca.fr