PHOTOGRAPHIE

Jérôme Taub n’a pas suivi de cursus particulier pour devenir photographe, ce sont les aléas de la vie, les rencontres et son réseau qui lui permettent d’avancer dans la photographie. Il y a maintenant plusieurs années, l’autodidacte avignonnais rejoint Paris pour poursuivre ses études. Par hasard, il rentre dans une régie et devient assistant-réalisateur pendant 6 ans. Sur le tournage d’un film de Win Wenders, il collabore avec Donata Wenders au Making Of. C’est elle qui lui redonne goût pour la photographie. À la fin des années quatre-vingt-dix, Jérôme part vivre en Afrique, en Espagne, en Corse.

En 2002, quand il revient en France il s’installe comme photographe. Dans les années 2010, Jérôme dirige son travail vers des travaux plus personnels, il cherche sa voie, son orientation, son style d’images. Son dernier projet au long cours date de 2018, « PURPE AMERICA » ; il a duré quatre ans.

Jérôme Taub photo Rv Dols
Photo Rv Dols

Jérôme Taub : « Quand on va aux États-Unis, le piège pour un photographe est de tomber dans la photo de tourisme ou les clichés caricaturaux américains. “Purpe América” fut écrit juste avant l’élection de Trump, c’était une période de transition. J’ai grandi dans les années quatre-vingt, cette époque était très américanisée, c’était eux qui dirigeaient le monde en nous promettant le meilleur. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase ou les choses se sont compliquées, surtout chez eux. J’avais envie de parler de ça, je me suis énormément documenté sur la culture américaine, la littérature, la philosophie, mes recherches m’ont emmené sur des pistes et des actes de conduite. Le temps de financer le projet, Trump était au pouvoir, cela ne faisait que préciser ma vision de l’Amérique. »

L’itinéraire qu’emprunte Jérôme pendant trois mois témoigne du développement économique et territorial des États-Unis, d’est en ouest, il suit les interstades (autoroute) qui traversent le pays. Il s’efforce de souligner le quotidien dur et un peu âpre du peuple américain.

Jérôme Taub : « J’avais écrit mon discours en amont, mais le trajet, les rencontres, ont emmené le projet plus loin. L’aventure est de l’ordre de la performance d’artiste. J’avais sous-estimé la confrontation avec la réalité. Je me suis aperçu que c’était une autre planète et que je n’étais pas aussi proche d’eux que ce que j’avais imaginé. Je me suis efforcé de ne pas perdre mon fil rouge et ma pensée, il fallait rester sur mon propos. »

Boîtier en main, Jérôme a parcouru les autoroutes et leurs périphériques, il traversa une multitude d’états et de villes pour écrire son discours photographique, peut être sur les traces des fantômes de Christopher Mc Candless ou de Jack Kerouac. Jérôme nous procure des pistes, il nous entraîne sur un scénario, une histoire qu’il veut nous raconter, en omettant volontairement de nous donner les clés de sa narration, pour susciter une réflexion personnelle qui conduira le spectateur au bout de la route.

De retour en France, Jérôme est exténué, il éprouve le besoin de se ressourcer. La nourriture pas très équilibrée, la fatigue du kilométrage, les nuits passées dans la voiture, les Motels à l’hygiène douteuse, les trois mois de cette aventure ont laissé des traces. C’est seulement au bout de deux mois qu’il décide de regarder les photographies qu’il a réalisées.

Série Purlpe América
Photo Jérôme Taub

Jérôme Taub : « Une fois que j’ai digéré tout ça, il a fallu réécrire le projet avec les images, comme toute œuvre artistique, j’avais débordé un peu plus loin. Ce sont des mois de travail, avec le stock d’images et les histoires que l’on veut raconter. Assembler les photos qui fonctionnent ensemble, des fois en ne sachant pas pourquoi, ça vient du cœur et des sentiments, plutôt que de la réflexion et du discours. J’ai eu l’idée des diptyques, deux photographies qui ne sont pas réalisées au même endroit. Deux lieux différents à deux moments différents, mais qui racontent une même unité ou une même dissociation de l’Amérique.(Photographie After dreamin', diptyque sans titre 04, Pendleton, Oregon, 14/06/2018, New York, 14/04/2018), d’un côté New York avec la marque, le numérique, l’enfermement dans un monde. Et de l’autre côté, la tradition avec une ambiance quasi religieuse classique, ces deux Amériques s’opposent, on peut les aimer ou les détester toutes les deux. Il y a aussi des triptyques, des quadratiques, voire des tirages composés de neuf photographies. C’est plus pour rentrer dans le quotidien par immersion, c’est à Las Vegas sur le strip bd, en voulant montrer ce qu’en général on ne montre pas, ce n’est pas forcément aussi flamboyant que ce qu’on imagine. »

La démarche artistique de Jérôme s’inscrit dans la narration et le sentiment. L’histoire qu'il déploie devant nos yeux reste sous-jacente, une place prépondérante est faite au sensible et à l’émotion.

Jérôme Taub : « Je travaille sur le réel, je retouche mes images au minimum, je recadre très rarement. Pour rester proche des gens, je travaille avec des focales fixes 35, 40, ou 50 mm. Jamais de lumières artificielles, en couleur, parce que je parle du monde qui m’entoure. Il n’y a pas de création conceptuelle en studio, je trouve l’imaginaire dans ce qui est factuel, je pars d’une histoire concrète où chacun peut trouver son chemin. »

Le travail de Jérôme, « PURPLE AMERICA » est exposé en Avignon du 25 juin au 5 septembre 2021, à la Collection Lambert dans le cadre des Rencontres d’Arles 2021, cinquante-deux photographies, une vingtaine d’œuvres, tirage 80x120 cm. L’exposition est accessible sur présentation du forfait des Rencontres d’Arles 2021.

WEB : www.jerometaub.com

Rv Dols : photojournaliste@oeilpaca.fr